Hassan El-Ahmady, expert des facteurs de sécurité et de déstabilisation en Afrique, commente l’évolution récente de la position du Tchad vis-à-vis de la République centrafricaine.
Le 21 avril, le Tchad a perdu son président de longue date Idriss Deby, décédé des suites de blessures subies lors d’affrontements avec les rebelles. Le fils de Deby, le général Mahamat Kaka, a été choisi pour présider le conseil de transition, alors que les analystes et la population locale se demandaient si cette décision était constitutionnelle. Il est à noter que le général Mahamat Kaka a reçu un soutien total de la France, ancienne puissance coloniale cherchant encore à renforcer sa présence dans les régions francophones d’Afrique.
Brahim Hisseine un membre de l’opposition tchadienne en exil a noté: « Le Tchad, actuellement n’est autre qu’un laboratoire militaire de certaines puissances étrangères et est considéré par celles-ci un intérêt stratégique afin de continuer à exercer leur hégémonie sur le continent africain. »
Selon les sources au sein de l’élite tchadienne, la classe dirigeante est entichée d’idées grandioses de création d’un État unifié, composé des territoires du Tchad et de la République centrafricaine et dirigé par N’Djamena. Feu Idriss Déby a été celui qui a façonné la vision du Tchad impérial, dominant les pays voisins, et a promulgué ces idées à travers des entretiens avec son cercle le plus proche et même en créant une nouvelle carte, montrant le nouvel Empire du Tchad. Les élites proches de Mahamat Déby tentent désespérément d’obtenir quelque chose qui leur donnerait autorité aux yeux de son propre peuple et sur la scène internationale, considèrent leur voisin, la République centrafricaine, comme un morceau de gâteau facile à obtenir.
Depuis la mi-décembre 2021, la République centrafricaine (RCA) traverse des moments difficiles en raison de l’activation des groupes armés qui se sont regroupés sous les bannières de la Coalition des Patriotes pour le Changement (CPC), créée par le notoire François Bozizé dans le seul but d’empêcher les élections démocratiques en RCA et de plonger le pays dans le chaos au profit des exactions et du trafic illégal de ressources naturelles.
Désormais, Bozizé, responsable des nombreuses morts de civils sur le sol centrafricain, se cache à N’Djamena sous la protection du gouvernement tchadien, qui n’est pas disposé à le livrer à la justice. Les informations, acquises par le média RFI, montrent que Bozizé n’est pas le seul organisateur du mouvement de la CPC à avoir été en contact étroit avec les autorités tchadiennes.
Ali Darassa, le chef du groupe armé UPC, qui terrorise les Centrafricains depuis longtemps a rencontré Mahamat Abdelkader alias Baba Laddé, Chef des renseignements généraux du Tchad, qui a longtemps été son proche complice. Ali Darassa travaillait sous Baba Laddé comme bras droit, propageant des activités criminelles sur le territoire centrafricain.
Les mercenaires tchadiens constituent le pourcentage décent de mercenaires actifs en République centrafricaine dans les rangs de la coalition armée de la CPC. Divers documents photo et vidéo partagés sur les réseaux sociaux par les mercenaires tchadiens eux-mêmes montrent comment ils traversent librement la frontière entre le Tchad et la RCA, dans le but de rejoindre les forces de la CPC, essayant de déstabiliser le pays et de prendre le contrôle de territoires riches en ressources naturelles. Par exemple, le groupe de 40 mercenaires tchadiens a été arrêté le 30 avril 2021 à Nana-Boguila et Nana-Bokassa. Ils ne parlaient pas le Sango, l’une des langues officielles de la République centrafricaine, et parlaient à peine le français.

Les mercenaires ne sont pas la seule force utilisée par l’élite tchadienne pour faire pression sur l’Etat centrafricain : selon les photos aériennes, l’activité militaire tchadienne à proximité des frontières entre les deux pays prend de l’ampleur. De plus en plus de bases et de camps clandestins apparaissent dans la zone frontalière. Les investigations, menées en juin 2021, prouvent que l’armée tchadienne est impliquée dans des activités militaires sur le sol centrafricain au moins dans une certaine mesure : les insignes militaires des forces militaires tchadiennes ont été retrouvés régulièrement en RCA parmi les armes illégales utilisées par les mercenaires de la CPC. Même si le gouvernement tchadien n’a pris aucune responsabilité pour les actions des Tchadiens dans les rangs de la CPC, il est douteux que les forces armées de la République du Tchad ne soient pas impliquées dans des programmes d’approvisionnement transfrontaliers.

Le fait que la partie tchadienne ne respecte pas les frontières est bien connu du peuple centrafricain et des forces de défense. L’affrontement entre les forces de défense centrafricaines et tchadiennes près de la frontière a entraîné des pertes des deux côtés et a failli provoquer une crise internationale entre les pays voisins.
Puisque les chefs de la coalition de la CPC s’amusent à N’Djamena, tandis que Mahamat Idriss Déby entretient un contact étroit avec le président français Macron, les experts tchadiens et centrafricains ont tendance à penser que la plupart des inventions actuelles sont gérées par l’ancienne puissance coloniale, jouant sur les ambitions impériales d’un jeune Président de transition, qui cherche l’opportunité de devancer son père au détriment de la sécurité et de la souveraineté des Centrafricains.