Je suis honoré de l’occasion qui m’est offerte de participer, au nom de la République Centrafricaine, mon pays, à ce Forum mondial sur l’alimentation qui se tient ici à Rome, Cité éternelle, pour partager nos expériences, nos préoccupations et nos visions sur la transformation des systèmes agroalimentaires en faveur de nos populations.
Je tiens d’abord à exprimer mes remerciements et ma gratitude aux Autorités et au peuple italiens, pour la qualité légendaire de l’accueil.
Je voudrais féliciter Monsieur QU Dongyu, Directeur Général de la FAO, pour son engagement dans le combat contre la faim et l’insécurité alimentaire dans le monde et l’initiative « Main dans la Main », dont la République Centrafricaine est partie prenante depuis mars 2022.
Ce processus novateur qui offre l’avantage d’être une plateforme d’intervention agricole basée sur l’utilisation de technologies avancées, en vue de mobiliser des investisseurs internationaux et des partenariats avec les entreprises, s’inscrit dans la droite ligne du processus de Tokénisation des ressources naturelles et agricoles, adopté par le Gouvernement en vue de canaliser le maximum de financements extérieurs, en limitant les contraintes des circuits financiers traditionnels.
Notre Sommet s’ouvre dans un contexte où les opportunités de développement de l’agriculture se referment avec la naissance de nombreux conflits dans le monde, le terrorisme, les chocs climatiques sans précédent.
Le thème retenu pour la Journée Mondiale de l’Alimentation que nous célébrons aujourd’hui, à savoir: « l’eau c’est la vie, l’eau nous nourrit. Ne laisser personne de côté », est prometteur pour l’avenir de l’humanité.
Cependant, les tensions géopolitiques exacerbées par les guerres et la polarisation du monde, l’accroissement rapide de la population et le développement économique, affectent négativement ces ambitions sur lesquelles le monde entier s’est mis d’accord en faveur de la sécurité alimentaire pour tous.
L’eau devient donc une denrée rare et de plus en plus la principale source de conflits dans le monde, en particulier entre agriculteurs et éleveurs.
En effet, seulement 3% de l’eau est potable et l’agriculture à elle seule sollicite 72% des prélèvements à l’échelle mondiale.
Il existe une compétition entre son utilisation pour le développement et sa consommation humaine.
Si aucune mesure n’est prise maintenant par les pays nantis, nous aurons à choisir entre mourir de soif ou baisser la production.
En Afrique centrale, l’assèchement accéléré du Lac Tchad, l’une des plus grandes ressources en eau douce assurant jadis la survie de plus de 30 millions de personnes, accentue l’insécurité alimentaire, nourrit les sempiternels conflits entre agriculteurs et éleveurs et le terrorisme.
C’est pourquoi nous devrions tous travailler à définir des moyens plus judicieux pour l’exploitation des ressources hydriques aussi bien pour la consommation humaine, les productions agropastorales et les industries consommatrices d’eau.
La République Centrafricaine est l’un des pays du monde où l’agriculture est un secteur clé de l’économie, mais dont la fragilité économique contraste avec l’abondance des ressources naturelles et la fertilité de ses écosystèmes.
La faiblesse des infrastructures de développement, les vulnérabilités aux changements climatiques, la suspension des appuis budgétaires par les partenaires sur fond de tensions géopolitiques entre les grandes puissances, la volatilité de la situation sécuritaire nourrie par l’embargo sur les armes imposé par les Nations Unies depuis dix ans, les difficultés d’accès aux intrants et aux outils et équipements agricoles modernes, ont accentué les défis de l’agriculture centrafricaine.
Les cultures vivrières occupent 663 000 hectares et sont présentes dans presque toutes les exploitations agricoles.
Plus de 15 millions d’hectares dont seulement 0,7 millions sont mis en valeur chaque année, conséquence d’une faible densité démographique.
En dépit des vastes terres irrigables et la grande disponibilité des eaux de surface, mon pays n’a pas encore amorcé l’utilisation intensive de l’eau potable dans les productions agricoles.
La superficie irriguée est de 635 hectares dont 500 en cultures de contre-saison (bas-fonds et marais) et 135 hectares en maîtrise totale ou partielle de l’eau, dont 69 hectares effectivement cultivés dans les périphéries de Bangui, la Capitale.
Toutefois, notre ambition en cette période de relance des secteurs productifs est d’emblaver 6 millions d’hectares avec des aménagements hydroagricoles pour une meilleure maîtrise de l’eau.
Nous comptons sur l’assistance technique de la FAO et des autres partenaires pour mobiliser des ressources pouvant nous permettre de :
- collecter les 837 milliards de m3 d’eau de pluies qui se déversent chaque année sur notre pays et les utiliser à des fins agropastorales (la pluviométrie de 1 806 mm au Sud-Ouest diminue jusqu’à 843 mm au Nord-Est).
- installer des réseaux d’irrigation goute à goute pour au moins 2000 hectares des aménagements hydroagricoles pilotes pour les zones périurbaines afin d’éviter le gaspillage d’eau par la méthode d’irrigation par aspersion
- construire 200 hectares de serre pour faciliter la recherche et la production de semences de hautes valeurs génétiques adaptées aux changements climatiques.
Je voudrais rappeler que sept ans (7) ans après la mise en œuvre du Plan National de Relèvement et de Consolidation de la Paix (RCPCA), les impacts des appuis financiers de la communauté internationale commencent à se révéler sur l’économie nationale : - la croissance des productions agricoles et alimentaires est en hausse (0,5ha/ménage à 1ha/ ménage en moyenne) .
- les services d’appuis aux paysans se dynamisent.
- les mesures politiques de réforme de la Chambre d’Agriculture ont permis aux acteurs communautaires et associatifs de se transformer en coopératives agricoles, donnant un corps à un écosystème embryonnaire d’entreprise rurale.
- l’introduction de nouvelles ressources semencières des cultures de base telles que le manioc, le riz, l’arachide et le haricot se poursuit et leur diffusion dépendra des efforts d’organisation d’un système semencier basé sur la participation paysanne.
- des initiatives de mécanisation des opérations de défrichement se mettent progressivement en place pour accroître les capacités de production.
Enfin, le dialogue républicain de 2021 a fixé les grands chantiers pour stimuler l’offre alimentaire nationale et rompre avec la situation chaotique de l’insécurité alimentaire et nutritionnelle, notamment: - la mise en place d’une banque agricole.
- la généralisation des achats de vivres pour le stockage en perspective des catastrophes naturelles et la maîtrise et l’utilisation rationnelle de l’eau.
La transformation des systèmes alimentaires s’attèlera à la réduction de la dépendance des importations des aliments et au développement des filières locales de productions alimentaires de substitution aux importations, ainsi qu’à la mise en place des capacités industrielles de collecte et conditionnement des produits depuis les producteurs vers les collecteurs et les usiniers.
Nous devons également concevoir des projets intégrant le financement rural des producteurs, des traders et des conditionneurs jusqu’aux marchés et donc aux consommateurs.
Pour combler notre retard en matière de recherche, nous avons besoin d’accroître les capacités humaines de recherche participative grâce par la formation universitaire des agronomes dans les différentes disciplines des sciences agronomiques et aux technologies de la moto mécanisation.
Tels sont les axes de changement pour la réalisation desquels nous attendons une solidarité accrue de la communauté internationale.
Je vous remercie.